Femmes Joaillières, visionnaires et révolutionnaires

Ce sont des femmes inspirées et inspirantes. Des femmes qui sont parvenues à imposer leur vision créative dans le monde de la joaillerie alors dominé par les hommes. Des femmes audacieuses. Qui signent des bijoux qui suivent, et soutiennent même, l’émancipation de leurs paires.

Suzanne Belperron, Jeanne Toussaint, Renée Puissant : autant de noms méconnus du grand public. Pourtant, chacune a imprimé son époque de son style singulier en signant des bijoux à la sensualité tactile. Il est temps de faire sortir de l’ombre ces femmes dont la joaillerie actuelle porte encore l’empreinte.

Jeanne Toussaint,
une femme de feu et d’esprit

L’iconique panthère de Cartier, c’est elle qui l’a imaginée ! Jeanne Toussaint était d’ailleurs ainsi surnommée. C’est elle, qui a initié, avec ce félin, le bestiaire flamboyant qui fait encore la réputation de la Maison Cartier. À une époque où la mode était aux bijoux abstraits ou géométriques, elle pense cette panthère altière et dominatrice comme le symbole d’une féminité décomplexée.

Une ascension sociale fulgurante

« Cocotte » du Paris de la Belle Epoque, comme Gabrielle Chanel dont elle est amie, Jeanne Toussaint est tirée de sa condition par Louis Cartier. Il l’impose, elle – sa maîtresse et sa muse – comme directrice de création de la Maison en 1933. Elle en occupera le poste de directrice artistique jusqu’en 1970 !

Fantaisie & réalisme animalier

Jeanne Toussaint, en créant pour elles des bijoux aux volumes exagérés et aux couleurs franches, défend l’excentricité et l’émancipation des femmes. Il y a, dans ses premières créations autour des félins, une sensualité sulfureuse, expression d’une féminité forte et indépendante (comme dans la panthère d’or et d’émail noir prête à bondir du gros cabochon d’émeraude réalisée pour la duchesse de Windsor). Dans son sillage, les clientes de Jeanne Toussaint osent toutes les audaces créatives : ainsi, en 1935, la décoratrice Elsie de Wolfe lance le rinçage capillaire bleu pâle pour assortir sa coiffure à son diadème Spirale en aigue-marine et diamants !

Fascinée par les pierres multicolores, Jeanne Toussaint les assemble comme jamais personne en Occident n’a osé le faire auparavant. En 1936, elle signe le chatoyant collier Hindou pour Daisy Fellowes, prémices du fameux style multicolore de Cartier baptisé Tutti Frutti dans les années 1970.

Or & mouvement

Après la Seconde Guerre Mondiale, Jeanne Toussaint exerce son inépuisable créativité sur l’or jaune ; elle en remet la chaleur au goût du jour. Elle ne se sert plus seulement de ce précieux métal pour sertir les pierres mais le sculpte sur des bracelets rigides, le torsade, sur des créoles, ou le décline sous forme de rivets, clous carrés… inspirés de l’industrie textile ! A l’or, comme aux pierres, elle imprime des lignes courbes, souples et fluides – un mouvement joaillier unique. On lui doit l’avancée des bijoux vers leur flexibilité actuelle. Soit une véritable révolution. Une école des métiers d’art porte son nom, à Bruxelles, rendant hommage au talent de cette véritable artiste d’origine belge.

À l’image de la panthère qu’elle a fait passer à la postérité, Jeanne Toussaint était une créatrice indomptable. Totalement libre, comme le symbolise si bien sa broche – un oiseau échappé de sa cage – conçue à l’occasion de la Libération, en 1944. Souvent comparée à un félin, cette « femme-oiseau » a su capter le mouvement des animaux, comme pris sur le vif. Voici la plus remarquable, parmi tant d’autres, des innovations qu’elle a imprimées à la joaillerie.

La vision de Jeanne Toussaint en images